La gestion des ordures ménagères est une source de litige fréquente de la part des copropriétaires et peut même parfois devenir une source de contentieux. Lorsque l’on est exploitant d’un commerce, la question la plus fréquente concerne l’utilisation des containers poubelles communs de la copropriété.

Pour mémoire, les dispositions relatives aux déchets dans les copropriétés se trouvent d’une part dans le code de la construction et de l’habitation (CCH) et d’autre part dans le règlement sanitaire départemental reprit très largement par le règlement sanitaire de la ville de Paris.

 

Ainsi, l’article R111-3 du Code de la construction et de l’habitation dispose dans son dernier alinéa que « Les immeubles collectifs comportent un local clos et ventilé pour le dépôt des ordures ménagères avant leur enlèvement »

Par ailleurs, l’article 77 du règlement sanitaire départemental type intitulé « Emplacement des récipients à ordures ménagères », repris par celui de la Ville de Paris, précise de façon très détaillée les caractéristiques des locaux poubelles (voir annexe). La lecture de cet article permet donc de tirer trois conséquences principales :

  • Il est interdit d’entreposer des containers dans les couloirs et cages d’escaliers en raison des dangers encourus en termes d’hygiène et de sécurité notamment de sécurité incendie.
  • Les containers peuvent être entreposés dans la cour de l’immeuble en cas de disposition des lieux ne permettant pas une autre organisation.
  • Il n’est pas interdit d’entreposer des containers dans des locaux qui seraient situés en sous-sol si les locaux sont convenablement ventilés.

Ces textes ne donnant pas de réponse concrète sur la gestion des déchets des commerces, il est nécessaire de savoir si les locaux commerciaux ou professionnels doivent posséder leurs propres containers et locaux. En effet, il est fréquent d’entendre que les commerçants ne peuvent pas jeter leurs ordures dans les mêmes containers et/ou locaux que les copropriétaires personnes physiques. Cette confusion vient du fait que les containers ont pour vocation de recevoir les ordures ménagères. Les déchets issus d’un commerce peuvent-ils être qualifiés d’ordures ménagères ? Le règlement sanitaire départemental ne fait pas cette distinction entre les ordures des copropriétaires commerçants et non-commerçants.

Les ordures ménagères sont définies de manières négatives par l’article 74 du règlement sanitaire départemental qui dispose que :

« Les déchets ménagers présentés au service de collecte ne doivent contenir aucun produit ou objet susceptible d’exploser, d’enflammer les détritus ou d’altérer les récipients, de blesser les préposés chargés de l’enlèvement des déchets, de constituer des dangers ou une impossibilité pratique pour leur collecte ou leur traitement. 

Les détritus à arêtes coupantes doivent être préalablement enveloppés. 

Il est interdit de mélanger aux ordures ménagères, les déchets anatomiques ou infectieux des établissements hospitaliers ou assimilés ainsi que les déchets issus d’abattage professionnel. 

Il est également interdit de déposer dans les récipients destinés à la collecte des ordures ménagères des substances toxiques et notamment pharmaceutiques ou radio-actives, solides ou liquides, susceptibles de constituer un danger ou une cause d’insalubrité. »

A noter également que l’annexe I de la convention collective des gardiens, concierges et employés d’immeubles ne distingue pas non plus de règle particulière en ce qui concerne le traitement des déchets. Au contraire, l’article « Définition et évaluation des tâches en unités de valeur pour le personnel visé à l’article 18, paragraphe B, de la présente convention » prévoit que :

« Le local principal retenu ci-après comme élément de référence pour l’attribution des « unités de valeur » de tâches s’entend de chaque local à usage commercial, professionnel ou d’habitation […] ».

De plus, l’article III. a) « Propreté et entretien des parties communes – Ordures ménagères » ne fait aucunement mention de la provenance des ordures ménagères :

« Remplacement des poubelles sous les orifices des gaines et ordures et manipulation des poubelles pour mise à la disposition des services chargés de la collecte des ordures ménagères, dans le cadre de la réglementation en vigueur. Nettoyage des poubelles, des locaux les abritant et du matériel ……….[NUV (*) : 25 par local principal.]

Débouchage des gaines et vide-ordures. Dans la mesure où cette tâche n’est pas contractuelle, elle ne peut être imposée au salarié ……….[NUV (*) : 5 par local principal.] ».

La seule exclusion prévue par la convention collective concerne l’enlèvement des gravats ou déchets en cas de travaux :

« Pendant et après les travaux, l’enlèvement des gravats ou déchets et le nettoyage du chantier comme des parties communes de l’immeuble incombent exclusivement à l’entreprise ou au particulier concernés et ne peuvent être imposés au gardien, concierge ou employé d’immeubles ».

A la lecture de ces articles, il apparaît que des déchets qui proviennent des commerces peuvent parfaitement être définis comme des déchets ménagers y compris s’il s’agit d’un restaurant. Les commerçants n’ont donc aucune obligation d’utiliser des containers qui leur sont propres.

 

A noter que dans le cadre de la copropriété, le principe qui est fixé par la jurisprudence est celui de l’égalité entre les copropriétaires. La Cour de cassation (Cour de cassation, 3ème chambre, 11 mars 2009, n°08-10566) a déjà jugé que l’interdiction pour un commerçant d’utiliser les parties communes à usage de poubelles pour mettre ses déchets entraine une rupture d’égalité entre les copropriétaires dans la jouissance d’une partie commune. En conséquence, cet arrêt décide donc que l’assemblée ne peut pas interdire à un copropriétaire, un restaurateur en l’espèce, d’entreposer ses conteneurs – même privés – de déchets dans le local affecté à cet usage au prétexte qu’il les encombre. Il est intéressant de noter que la Cour de cassation, à la différence de ce qu’avait indiqué la Cour d’appel, ne tient pas compte de la taille des conteneurs des commerçants et par conséquent de l’encombrement du local par ces conteneurs privés.

Toutefois, il ne faudra pas oublier la règle essentielle contenue généralement dans les règlements de copropriété à savoir qu’il est interdit d’encombrer les parties communes. Il a été notamment jugé par la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 15 novembre 2007, que « des copropriétaires commerçants ne peuvent pas utiliser des parties communes pour y entreposer leur matériel ou leurs marchandises ou pour y stocker leurs containers de déchets. » En cas d’usage abusif des parties communes, le syndicat est fondé à demander la cessation par le copropriétaire de l’occupation indue ainsi que des dommages intérêts en réparation du préjudice causé (Cour d’appel de Paris, 25 janvier 2007).

 

A notre sens, il nous apparaît que soit le syndicat des copropriétaires met à disposition un emplacement spécifique pour les containers des commerces soit les commerçants peuvent utiliser les containers et/ou les locaux communs.

Estelle FORNIER 

Avocats à la Cour