Il peut arriver que, dans le cadre d’un bail commercial, le preneur cesse de payer ses loyers. Le plus souvent, cela est la conséquence de difficultés financières rencontrées par le preneur dans le cadre de son activité. Il faudra alors agir le plus rapidement possible afin d’obtenir une décision du Tribunal avant l’éventuelle mise sous sauvegarde, ou mise en redressement ou liquidation judiciaire du locataire défaillant. En effet, le jugement ouvrant une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part des créanciers dont la créance est née avant le jugement et tendant à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent. Cette règle dite de la suspension des poursuites individuelles s’applique au bailleur, bien que celui-ci dispose d’un privilège en vertu des article L 641-12, L 641-13 et L 622-16 du code de commerce.

Plusieurs étapes doivent être respectées afin d’obtenir une ordonnance permettant d’expulser le preneur.

  • Etape 1 : Démarches amiables

Il est tout d’abord conseillé, à défaut de paiement d’un terme de loyer et/ou charges à échéance, d’envoyer une relance à son locataire et, si celle-ci reste sans réponse, une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception demandant au preneur de payer les sommes dues au titre du bail à savoir le loyer et les charges. Un délai à courte échéance (ex. : 8 jours) sera fixé dans ce courrier.

Nous attirons votre attention sur le fait que depuis la loi PINEL, l’article L 145-16-1 du code de commerce prévoit que lorsque la cession d’un droit au bail ou d’un fonds de commerce s’accompagne d’une clause de garantie aux termes de laquelle le cédant se porte caution solidaire du paiement du loyer par le cessionnaire, ce qui est le cas dans la majorité des cas, le bailleur est tenu d’informer le cédant du défaut de paiement du loyer par le locataire cessionnaire « dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle le paiement aurait dû être acquitté ».

De même, lorsque ce cautionnement est contracté par une personne physique (ex ; caution du gérant de la société locataire), celle-ci est informée par le créancier de l’évolution du montant de la créance garantie et de ces accessoires au moins annuellement à la date convenue entre les parties ou, à défaut, à la date anniversaire du contrat, sous peine de déchéance de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités (article 2293 du code civil).

Par conséquent, il convient d’être particulièrement vigilant et de dénoncer la défaillance du locataire à la caution dans les délais légaux, sous peine de ne pouvoir pas exercer ses droits auprès d’elle.

  • Etape 2 : Phase obligatoire en cas de clause résolutoire

Dans le cas où aucun échéancier raisonnable n’aurait été proposé ou qu’aucun paiement des sommes dues n’aurait été effectué, il est nécessaire de faire signifier par voie d’huissier un commandement de payer les loyers et ses accessoires visant la clause résolutoire du bail, conformément à l’article L 145-41 du code de commerce.

En cas de non-paiement total des sommes dues à l’expiration d’un délai d’un mois, le preneur est réputé sans droit ni titre.

  • Etape 3 : Procédure judiciaire

Il faudra ensuite assigner le preneur en référé-expulsion ou au fond par devant le Tribunal de grande instance du lieu de situation de l’immeuble en application de l’article R.211-4 du Code de commerce.

Cette assignation devra être dénoncée par huissier aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce, sous peine d’irrecevabilité de l’action (article L 143-2 du code de commerce). A noter que le jugement ne peut intervenir qu’après un mois écoulé depuis la notification, il est donc conseillé de dénoncer aux créanciers ladite assignation le plus tôt possible et de prendre en compte cette contrainte dans le choix de la date d’audience.

Il sera également souligné que le preneur pourra faire des demandes de délai de paiement dans la limite de deux années en application de l’article 1343-5 du Code civil. En outre, sur le fondement de l’article L 145-41 alinéa 2 du code de commerce, en accordant des délais, le juge peut suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. Ainsi, la clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Si le juge ne fait pas droit à cette demande et que vos prétentions sont fondées, le Tribunal rendra une décision vous autorisant à expulser votre locataire qui devra être signifiée par acte d’huissier à votre locataire.

En cas d’ordonnance rendue par le juge des référés, le locataire disposera d’un délai de 15 jours pour interjeter appel. Ce délai est d’un mois en cas de jugement.  La décision devenue définitive ne pourra être remise en cause ultérieurement.

  • Etape 4 : Exécution de la décision judiciaire

Cette phase de l’expulsion n’est pas la plus simple et nécessite le respect d’un formalisme et de délais particuliers.

Un commandement de quitter les lieux devra être signifié à l’occupant. Celui-ci prend effet immédiatement. Toutefois, le locataire pourra saisir le juge de l’exécution du Tribunal de grande instance afin de demander un délai de grâce.

Dans le cas où aucun délai n’aurait été accordé et que le preneur refuse de quitter les lieux, il est nécessaire de demander le concours de la force publique. La préfecture de police dispose d’un délai de deux mois pour répondre. Le silence gardé pendant deux mois équivaut à un refus.

Quand le concours de la force publique est accordé, l’huissier de justice accompagné de policiers et d’un serrurier pourra procéder à l’expulsion. Il est à noter que la trêve hivernale n’a pas lieu de s’appliquer dans ce cas car il ne s’agit pas d’une habitation. En l’absence d’autorisation de recours à la force publique, le bailleur n’aura d’autre choix que mettre en cause la responsabilité de l’état.

Après que les locaux aient été libérés de toutes personnes, l’huissier apposera des scellés et dressera un procès-verbal d’expulsion reprenant l’ensemble des démarches effectuées qui sera signifié à la personne expulsée.

Vous pourrez alors utiliser à nouveau vos locaux comme bon vous semble.

Estelle FORNIER

Avocats à la Cour