Il arrive souvent qu’un locataire d’un lot de copropriété génère des nuisances. La question se pose de savoir comment mettre fin à celles-ci ?

Classiquement, il est possible d’assigner le propriétaire du lot sur le fondement de l’alinéa 1 de l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 qui dispose que « Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble. » afin d’obtenir des dommages et intérêts. En cas de condamnation, le propriétaire du lot se retournera vraisemblablement contre son locataire, auteur du trouble.

Il est également possible d’assigner le propriétaire et le locataire afin d’obtenir directement la résiliation du contrat de bail et l’expulsion du locataire. Il s’agit là d’une action oblique qui est définie par l’article 1341-1 du Code civil comme suit : « Lorsque la carence du débiteur dans l’exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne. ».

Préalablement, il sera nécessaire que le syndic soit habilité à agir en justice par l’assemblée générale en application de l’article 55 du décret n°67-223 du 17 mars 1967. A noter toutefois que si le défaut d’autorisation du syndic d’agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires constitue, lorsque cette autorisation est exigée, une irrégularité de fond, il résulte de l’article 121 du Code de procédure civile et de la jurisprudence constante que cette irrégularité peut être régularisée et que la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue (CA Nancy, 2ème chambre civile, 9 avril 2015, n°13/03512).

Pour que le syndicat des copropriétaires soit recevable et fondé à agir sur le fondement de l’action oblique, il est nécessaire de cumuler les conditions suivantes :

  1. D’une part, qu’il soit contrevenu tant au contrat de bail qu’au règlement de copropriété (I) ;
  2. D’autre part, qu’il existe une carence du copropriétaire bailleur (II) ;
  3. Enfin, que le locataire cause un préjudice aux autres copropriétaires (III)

I – La violation du contrat de bail et du règlement de copropriété

L’action oblique implique que le Syndicat des copropriétaires soit créancier envers le copropriétaire bailleur d’une obligation déterminée. Le syndicat des copropriétaires est créancier de l’obligation qu’a chaque copropriétaire de respecter le règlement de copropriété[1].

L’action oblique requiert également que le copropriétaire soit créancier d’une obligation envers son locataire. Dans ce type de situation, le copropriétaire bailleur est créancier de l’obligation qu’a son locataire de respecter les clauses du contrat de bail.

L’action oblique nécessite donc que le locataire en ne respectant pas les clauses de son bail ait, par la même occasion, contrevenu au règlement de copropriété.

Ainsi, un règlement de copropriété déclarant chaque copropriétaire responsable des agissements répréhensibles de ses locataires permet au syndicat des copropriétaires, en cas de carence du copropriétaire bailleur, d’exercer l’action en résiliation du bail dès lors que le locataire contrevient aux obligations découlant de celui-ci et que ses agissements qui causent un préjudice aux autres copropriétaires sont en outre contraires au règlement de copropriété (Cour de cassation, 3ème chambre, 14 novembre 1985, n°84-15577 ; Cour de cassation, 3ème chambre civile, 22 juin 2005, n°04-12540).

A noter que cette résiliation peut intervenir tant pour un bail commercial que pour un bail d’habitation. En pratique, l’usage des baux est que le contrat contient une clause qui fait obligation au locataire de respecter le règlement de copropriété. Dans ce cas, le règlement de copropriété est directement opposable au locataire et il n’y a donc aucune difficulté à ce que le Syndicat des copropriétaires soit recevable dans son action. Dans les contrats de location d’un local à usage d’habitation, c’est l’article 7 b de la loi du 6 juillet 1989 qui fait obligation au locataire de jouir paisiblement des lieux loués[2].

Enfin, on notera que le locataire ne peut s’exonérer du fait qu’il n’a pas eu connaissance du règlement de copropriété (Cour d’appel de Pau, 2ème chambre, 1ère section, 13 février 2014, n°12/04026). Le préjudice qui peut résulter de ce défaut d’information pourra avoir pour origine le défaut d’information par le bailleur qui a omis ou refusé de lui communiquer les extraits du règlement. Le locataire sera alors en droit de se retourner contre son bailleur mais cela ne prive pas le syndicat des copropriétaires de son action.

II – La carence du propriétaire bailleur

Le syndicat des copropriétaires doit avoir informé le copropriétaire bailleur de la violation du règlement de copropriété. Cette information se fera par des mises en demeures au copropriétaire mais aussi par des résolutions issues des procès-verbaux d’assemblées générales.

Sans aucune réaction de la part du bailleur, celui-ci sera considéré comme négligent puisque ne justifiant d’aucune diligence dans l’exercice des droits qu’il détient à l’encontre de son locataire.

Il a ainsi été jugé que la carence du copropriétaire bailleur est constituée lorsque :

  • Le bailleur s’est contenté de mettre en demeure le locataire de respecter le règlement de copropriété et de retirer son scooter des parties communes sans juger utile d’introduire à son encontre une action en expulsion (CA Nancy, 2ème chambre civile, 9 avril 2015, n°13/03512).
  • Le bailleur, qui a engagé à l’encontre de son locataire une procédure en résiliation du bail qui a été rejetée par le tribunal au motif que les troubles proviendraient pour une part importante des défauts de l’immeuble loué, n’a pas poursuivi cette instance en appel alors que les chances d’obtenir satisfaction par cette voie de recours n’étaient pas négligeables (Cour d’appel de Montpellier, 1ère chambre, section D, 4 juin 2014, n°12/02386).

Par conséquent, l’absence de procédure judiciaire engagée par le bailleur envers son locataire semple à considérer, de fait, comme une carence du copropriétaire.

III – Le préjudice du syndicat des copropriétaires

Le préjudice peut prendre différentes formes :

  • Troubles anormaux :
    • Odeurs nauséabondes,
    • Regroupement d’individus consommant bruyamment sur la voie publique,
    • Nuisances sonores. A ce sujet, il a été jugé que la vétusté de l’immeuble et l’absence d’isolation efficace ne sauraient en aucun cas légitimer des conditions de vie irrespectueuses du voisinage[3].
  • Dégradations et mauvais usage des parties communes :
    • Pénétration dans l’immeuble par la porte d’entrée avec le scooter qui est ensuite déposé dans le local poubelle occasionnant des dégradations de la peinture et de la plaque de protection de la porte[4];
    • Exercice d’une activité de carrosserie-peinture et modification des parties communes par le percement d’un mur-maître et le creusement d’une fosse de décantation sans autorisation de l’assemblée générale[5].

Les agissements pourront être démontrés par des pétitions, des mains courantes, des plaintes, des arrêtés de la mairie pour interdire par exemple la vente de boissons alcoolisées la nuit, des constats d’huissier, des résolutions d’assemblées générales, etc.

A noter qu’une action oblique ne peut prospérer à l’encontre d’un nouvel exploitant alors que les troubles sont le fait de l’exploitant précédent.

* * *

Lorsque l’ensemble de ces éléments sont réunis, les tribunaux peuvent prononcer la résiliation du contrat de bail, l’expulsion du locataire et le paiement de dommages et intérêts (Cour d’appel de Paris, 16ème chambre, Section B, 22 février 2007, n°06/00147).

Estelle FORNIER

Avocats à la Cour


[1] Cour d’appel de Montpellier, 1ère chambre, Section D, 4 juin 2013, n°12/02386

[2] Cour d’appel de Montpellier, 1ère chambre, section D, 4 juin 2014, n°12/02386

[3] Cour d’appel de Montpellier, 1ère chambre, section D, 4 juin 2014, n°12/02386

[4] CA Nancy, 2ème chambre civile, 9 avril 2015, n°13/03512

[5] Cour de cassation, 3ème chambre civile, 22 juin 2005, n°04-12540